Deux coups de fil coup sur coup
m'annoncent ce soir
Que Raymond Hains
est mort
Le troisième ajoute « tiens bon Ben »
Que dire ?
Que penser
?
Penser à Raymond ?
Oui penser à Raymond
Je l'ai vu, il y a peine 10
jours
à la Fiac
écrire sur lui -oui
avec Raymond, le temps
s'arrêtait et la fascination était là
AVEC RAYMOND, on pénétrait dans
une machine à voyager dans le temps
Son temps n'était pas celui d'Einstein
ou de Greenwich
on rentrait dans un restaurant à 9 heures et on
ressortait dans un autre temps celui de Hains
AVEC RAYMOND, tout
devenait, lieux, temps et mots
Un mot en appelait dix autres qui en
alimentaient trente autres
On commandait une bière Stella, on se retrouvait
dans la chambre de Mme Stella - je l'avoue, je me suis perdu plus d'une fois sur
la route de ses mots
AVEC RAYMOND se promener dans la rue c'était une
légende qui se mettait en marche
Quand les aficionados de Raymond se
rencontrent l'un dit à l'autre :
J'étais avec Raymond pendant 5 heures
L'autre répond : avec moi cela a duré toute la nuit
AVEC RAYMOND, On
ne savait jamais - un jour Raymond disparaît - on le cherche partout - il
s'était échappé pour aller à Barcelone
ou encore parti pour visiter la
Biennale de Venise et il est resté trois ans
AVEC RAYMOND l'art
contemporain n'a jamais su sur quelle jambe se tenir Raymond était dix fois
plus destroy et libre que tous ces jeunes qui se donnent des airs et jouent à
être destroy
OUI RAYMOND tu vas rester parmi nous comme un mystère,
une énigme, une différence, un monument et, comme le Petit Poucet a parsemé sur
son chemin un tas de petits mots, plaques, photos et nombreux seront ceux qui
vont décortiquer tes piles de livres, le désordre de tes chambres, tes notes et
comme pour un Nostradamus qui nous cacherait un trésor
l'art mettra
longtemps à prendre la juste mesure de ton importance car tu as toujours
brouillé les pistes
VOILA RAYMOND JE PENSE A TOI ET MERCI POUR LE TEMPS
QUE J'AI PASSÉ AVEC TOI
Ben
2005
http://www.ben-vautier.com/